Tribune Libre de l’Opinion # 8 septembre 2016
Avant et depuis l’annonce de sa démission, on vit une comedia del arte au cœur de joutes politiques et de défenses d’idéologies dépassées. Dans la Ve République, on n’a jamais vu quelqu’un accéder à la tête de l’Etat sans l’appui d’un parti politique. Comment peut-on se présenter sans avoir été élu ? Les doutes des vieux acteurs de la vie politique sont relayés par les médias de l’establishment. La Constitution de la République parlementaire ne peut permettre de n’être « ni de droite ni de gauche ». On se réfère aux tentatives sans issue de Jean-Jacques Servan-Schreiber en 1970 ou, différemment, à la démocratie participative de Ségolène Royal.
Et pourtant derrière ce scepticisme, les enquêtes sociologiques sont claires (1). De 2014 à 2015, en un an, la perception des différences droite/gauche a perdu 10 points en passant de 54 % à 44 %. Après la démission d’Emmanuel Macron, les sondages récents sont plutôt favorables à cette démarche. Au-delà de la république d’opinions plus ou moins préfabriquées, on peut penser qu’en l’occurrence il s’agit d’un signal faible de la transformation profonde de la société, de sa métamorphose (2), de la désaffection pour les partis politiques, d’une vague d’intelligence collective tournée vers la recherche du « bien commun » et fondée sur la soif de pragmatisme, la créativité, l’avenir.
Conscience citoyenne. Elle s’exprime dans les mouvements, les réseaux sociaux, les collectifs créés sur un projet local. Emmanuel Macron peut être porté par cet immense courant et s’il ne réussit pas, d’autres suivront. Ni à droite, ni à gauche, il observe, laisse émerger, soutient le fantastique élan vital que la société française cache en son sein. Comment associer les Français aux grandes orientations politiques et élargir leur niveau de conscience citoyenne comme désormais c’est le cas des salariés dans les entreprises globales qui fonctionnent bien, ou dans les communautés de partage qui se créent en réel ou sur Internet.
Moins de décisions hiérarchiques, plus de réseaux maillés qui sont reliés et participent à l’écosystème de façon naturelle et vivante. Comment impliquer les Français et les rendre acteurs et co-constructeurs de leur vie citoyenne en créant des « tiers lieux citoyens » (3) permettant de se documenter, de rencontrer des experts du sujet, puis de débattre, de délibérer et enfin de proposer des décisions ou des orientations par sondage interne à cette communauté ?
Mais les forces conservatrices de droite comme de gauche sont là. Elles peuvent dévier la métamorphose en marche. En fin analyste des situations politiques, le pape François souligne les formes d’un nouveau type de gouvernance : « initier des processus plutôt que posséder des espaces » (4). Ceci va à l’encontre des plans, des programmes, ce peut être le « en marche », à l’écoute de la société des gens.
Est-ce du rêve ? Puisse un politique parler de pragmatisme, de projets locaux, d’initiatives du terrain…e t aller au-delà d’une « loi sur le burkini » !
Irène J. Dupoux-Couturier est vice-présidente de SoL France
(1) : Observatoire Sociovision
(2) : Alain de Vulpian « Eloge de la métamorphose »
(3) : Pierre Giorgini « la fulgurante recréation »
(4) : Pape François : « Evangelii gaudium »