ARRI – Nov. 2016 # Présentation du livre “Eloge de la métamorphose”

ARRI – Nov. 2016 # Présentation du livre “Eloge de la métamorphose”

logo-arriIrène Dupoux-Couturier présente un ouvrage récent auquel son auteur et ami Alain de Vulpian l’a associée, intitulé «  Eloge de la métamorphose » (édit.Saint-Simon). Ce livre a gagné le prix du meilleur essai en 2016 décerné par l’Académie Française. Original et introduit par Alain Berthoz, professeur au Collège de France, l’ouvrage  s’adresse au grand public qui s’intéresse à l’évolution récente des grands courants  socio-économiques dans un monde en plein bouleversement.

Cette « marche vers une nouvelle humanité » est analysée par les auteurs comme le fruit d’une longue série d’observations sociologiques des changements de mentalité et de comportement  de nos contemporains depuis les années 1950. Cela à partir d’entretiens en profondeur, certes coûteux, mais très révélateurs. Le tout faisant suite aux travaux de la COFREMCA et du CEFRI deux organismes fondés ou co-fondés par les auteurs et bien connus d’ARRI, repris plus récemment par le réseau international ,issu du MIT,  de recherches sociologiques et managériales « SOL », dont Alain de Vulpian est le vice-président pour la France.

L’enquête auprès des « gens ordinaires » et surtout des jeunes, révèle la prise de conscience d’un phénomène nouveau. Le monde traverse depuis peu une phase d’évolution accélérée, qualifiée de  métamorphose  par allusion à des phénomènes naturels ( tels que la transformation d’une chenille rampante en beau papillon volant ) Il ne s’agit plus d’une crise, ni même d’une révolution, mais d’une mutation humaine. Celle-ci répond à l’attente des nouvelles générations désirant prendre en mains leur propre  destin, par transfert du pouvoir décisionnel à de nouvelles formes d’actions collectives, conçues et gérées par « les gens » eux-mêmes.

Pour mieux comprendre la portée d’une étape aussi décisive, l’auteur du livre la compare à d’autres « métamorphoses » d’importance comparable, lors du développement du « phénomène humain » au cours des millénaires, depuis l’apparition de l’homo sapiens. En fait la première métamorphose de l’humanité date du néolithique – il n’y a que 15.000 ans – après des millions d’années d’évolution, pour passer du stade  de l’hominidé à celui de l’homme semblable à nous.

Au XVIème et XVIIème, la civilisation européenne traverse une deuxième   métamorphose avec l’avènement de la rationalité et des découvertes scientifiques quasi contemporaines, soit il n’y a que deux siècles. Et  depuis une centaine d’année, les « gens ordinaires » sont devenus capables de gérer leur devenir. Ils en prennent conscience par des expériences inédites. Nous sommes au cœur d’un « processus de civilisation ». En témoigne la création de réseaux sociaux utilisant les progrès ultra rapides des moyens de communication. Ainsi que la floraison de nouvelles « start-up » pour résoudre des problèmes réels, avec les moyens du bord, de l’imagination créatrice et des financements nouveaux.

Cette nouvelle métamorphose en cours et qui s’étend au monde entier fonctionne comme un écosystème complexe et interconnecté. Autrement dit, comme un cerveau humain. Nous faisons désormais appel non seulement au cerceau rationnel mais émotionnel-relationnel et même spirituel. Ainsi, les nouvelles générations sont plus souvent en quête de maints « petits bonheurs ». Ceux que leur procurent des échanges de vues personnelles sur des réseaux sociaux indépendants, de préférence à l’écoute des médias officiels. D’où la comparaison avec les multiples connexions du cerveau pour mieux comprendre la métamorphose en cours. Est en train d’éclore une société informelle, fonctionnant comme un ensemble de neurones. Une société « comme-un-cerveau », mue par un esprit de solidarité riche de chaleur humaine et de sens; le tout pour répondre aux attentes des « gens ordinaires ». C’est une troisième métamorphose, qui semble aller vers une nouvelle ère plus coopérative mais qui peut se bloquer à tout moment.

Pour en savoir davantage, les auditeurs sont appelés à lire le livre présenté et à consulter le site : mouvancehappymorphose.com. Suit un échange animé avec la salle, confrontée à une pensée novatrice et porteuse d’avenir.

                                                                       Michel Le Gouis – le 28 novembre 2016

Plaidoyer en faveur d’une «économie de marché responsable» @ Le Monde

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Quinze personnalités, parmi lesquelles Christine Lagarde, Martin Hirsch et Pascal Lamy, estiment qu’il est essentiel de rompre avec le capitalisme financier fondé sur une maximisation folle du profit. Des hauts responsables militent pour que la France, et notamment ses entreprises, fasse le choix d’une croissance raisonnée

Le consensus est de plus en plus fort : la financiarisation du capitalisme est une erreur. Ce consensus, appuyé par les efforts toujours plus nombreux de différents acteurs du monde de l’entreprise et de l’investissement, ne suffit pas à garantir la mutation nécessaire. Nous sommes persuadés que l’opportunité se présente pour la France de jouer un rôle décisif dans le développement d’une économie de marché responsable.

La poursuite excessive d’une finalité exclusive – maximiser les profits pour les actionnaires – a isolé l’entreprise et nourri la suspicion à son égard. Milton Friedman, dans un article célèbre, a écrit que l’entreprise a pour seule responsabilité d’accroître son profit. Cette affirmation, qui repose aussi sur l’idée fausse qu’une entreprise appartient à ses actionnaires et que ceux-ci recherchent avant tout leur intérêt financier à court terme, est aussi vivement combattue aux Etats-Unis. La société (SA, SAS, SARL…) est un véhicule juridique qui permet la réalisation du projet d’entreprise. Celle-ci, conduite sur le long terme, requiert une attention aux différentes parties prenantes de l’entreprise : actionnaires, collaborateurs, créanciers, fournisseurs, clients, communautés affectées par son activité et même générations futures. C’est là l’intérêt réel de l’actionnaire. Nos sociétés contemporaines attendent de l’entreprise qu’elle joue un rôle prépondérant dans la recherche d’une croissance raisonnée, génératrice de bien-être et de progrès. Elles souhaitent en particulier que l’action des entreprises ait un effet positif sur les défis auxquels elles sont confrontées : bouleversement climatique, épuisement progressif de la biodiversité et de certaines ressources naturelles, explosion démographique, montée des inégalités et des discriminations, domination des marchés financiers et leur impact négatif sur l’affectio societatis, ou encore malaise au travail.

Modifier deux articles du code civil

Une activité guidée par la maximisation de l’intérêt à court terme de l’actionnaire n’est sûrement pas le meilleur moyen de répondre à ces préoccupations légitimes. Privilégier constamment un intérêt particulier isole l’entreprise de son écosystème, amène les dirigeants à dissocier les motifs des conséquences de leurs décisions et plonge les acteurs économiques dans le court terme tant décrié depuis la crise de 2008. Intégrer la dimension sociale au cœur de ses décisions lui permettra de regagner la confiance dont elle a besoin pour prospérer à long terme.

Les articles de référence du code civil, à savoir 1 832 et 1 833, disposent que la société est constituée dans l’intérêt des associés et en vue de partager le bénéfice. Ils ne mentionnent ni n’évoquent le projet d’entreprise – c’est-à-dire ce pour quoi les associés fondent une entreprise – ni les parties prenantes. Si ces dispositions constituaient un progrès important lors de leur adoption il y a plus de deux siècles, il n’est pas choquant de devoir les adapter à notre monde actuel. Plutôt que de proposer de nouvelles structures juridiques comme le font certains pays qui prévoient l’ajout à la finalité lucrative d’autres finalités qui ne le sont pas – par exemple, Public Benefit Corporation et Multi Purpose Company aux Etats-Unis – et de compliquer encore notre droit des sociétés, nous proposons de mettre la responsabilité sociale de l’entreprise au centre de ses documents constitutifs. La personnalité morale qu’elle acquiert lors de sa constitution reflétera ainsi la prise en compte de son écosystème ; c’est d’autant plus légitime qu’elle en bénéficie chaque jour dans l’exercice de son activité et la réalisation de ses profits.

Nous demandons que les articles du code civil précités soient modifiés pour faciliter le développement, d’une économie de marché responsable et inclusive. L’article  1832 devrait être rédigé dans l’esprit de cette proposition : ” La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent d’affecter des actifs, sous la forme d’apports en numéraire, en nature ou en industrie, à une entreprise commune en vue de développer un projet d’entreprise et de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie susceptible d’en résulter. “

De même, l’article  1833 pourrait être modifié comme suit : ” Toute société doit avoir un projet d’entreprise licite et être gérée dans l’intérêt commun des associés et des tiers prenant part, en qualité de salariés, de collaborateurs, de donneurs de crédit, de fournisseurs, de clients ou autrement, au développement de l’entreprise qui doit être réalisé dans des conditions compatibles avec l’accroissement ou la préservation des biens communs. “

Il s’agit de permettre à l’actionnaire, grâce aux prérogatives attachées à sa qualité, de clarifier les conditions de sa contribution à la mise en œuvre du projet d’entreprise. C’est tout le contraire d’un retour vers le capitalisme managérial – c’est-à-dire d’une appropriation du pouvoir par les dirigeants – qui avait d’ailleurs contribué à l’émergence du capitalisme financier.

La France a été pionnière au XIXe  siècle dans le développement de l’économie sociale. Elle peut aujourd’hui reprendre un rôle d’initiateur mais cette fois-ci dans le développement d’une économie de marché responsable, où épargne et investissement participent à la restauration du lien social, contribuant au débat sur les plans européen et mondial.

Les signataires de l’article

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On the Making of Trump – The Blind Spot That Created Him @ Otto Scharmer

On the Making of Trump – The Blind Spot That Created Him @ Otto Scharmer

Publié dans le HuffingtonPostotto-scharmer

We have entered a watershed moment not only here in America, but also globally. It’s a moment that could help us wake up to a deeper level of collective awareness and renewal—or a moment when we could spiral down into chaos, violence, and fascism-like conditions. Whether it’s one or the other depends on our capacity to become aware of our collective blind spot.

Donald Trump’s election as the 45th president of the United States has sent shock waves across the planet. In a replay of Brexit, a coalition of white, working- (and middle-) class men (and women) from mostly rural areas swept an anti-establishment candidate into office. But the election of Trump is hardly an outlier: just look at the global rise of strongmen such as Vladimir Putin, Recep Erdogan, Viktor Orban, and Rodrigo Duterte and the surge of other right-wing populists.

Why has the richest and most prosperous country in the world now elected a climate denier who used racist, sexist, misogynistic, and xenophobic language throughout his campaign? What makes us put someone like him in the White House? Why did we create a presidential election between two of the most disliked candidates of all time, Donald Trump and Hillary Clinton? Why did Trump, who lied and attacked minorities, journalists, women, and the disabled, only become stronger and stronger throughout his campaign? What is the blind spot that has kept us from seeing and shifting the deeper forces at play? Why, again and again, do we collectively create results that most people don’t want?

The Blind Spot

Trump and Clinton, from the viewpoint of the millennial generation, represent everything that’s wrong with America. Trump embodies everything that is wrong with our culture. Clinton embodies everything that’s wrong with our politics. And both of them embody everything that’s wrong with our economy.

Our collective blind spot reflects paradigms of thought that legitimize all three major divides: the economic divide, the political divide, and the cultural-spiritual divide. I’ve talked about these divides before, but now they seem more stark than ever.

The Economic Divide

There is a logical line from the Trump and Brexit votes back to the economic crisis of 2008, and from there to the deregulation of the Clinton and the Reagan years in the 1990s and 1980s. U.S. workers’ share of national income has been shrinking since the late 1990s, with the gains going to the top 1 percent. The average annual income growth in the United States for the bottom 90 percent has been negative for the past two decades.

Millennials have good sensors for this kind of disconnect. In the 2016 campaign, Bernie Sanders won significantly more votes among those under age 30 than Clinton and Trump combined. In a recent Harvard University survey that polled young adults between ages 18 and 29, 51 percent of respondents said they do not support capitalism. Just 42 percent said they do support it. Equally interesting is that only 33 percent said they support socialism.

What these responses suggest is that most young people may be looking for a different way to run our economy. They don’t want the failed system of Soviet socialism. Or the failed system of casino capitalism. Many young people wish to refocus the economy on justice, fairness, equality, and the deeper sources of meaning in life – what I call generating well-being for all.

This skepticism of young people towards the current economic system is not that surprising if you consider the bigger economic picture today: The United States is the most unequal of all high-income OECD countries, has the highest poverty rate of any advanced economy (17%), the highest obesity rate (36%), the highest incarceration rate, and student debt of $1.2 trillion.

Social mobility—the capacity to work your way up and realize your dreams—is weaker in America today than it is in Europe. As they say: if you want to realize the American dream, go to Denmark. These structural economic factors and forces of exclusion are the real drivers that elevated Trump to the presidency. Yet, instead of addressing these structural issues, the Clinton campaign chose to focus the conversation almost entirely on Trump’s personal flaws.

Why do so many people take these structural issues for granted? It’s the neoliberal economic ideology that Ronald Reagan and his team brought into the White House, that remained during the Clinton years, that continued to flourish during the Bush years, and that, in spite of 2008, continued to shape White House politics even after Barack Obama took office. The neoliberal economic paradigm continues to shape the Washington economic consensus. Our inability to replace that failed paradigm of “ego-system” economics with a more holistic and inclusive framework of “eco-system” economics has created an intellectual and moral void that allowed Donald Trump to connect with the “forgotten common man.” Which brings us to divide number two.

The Political Divide

The political system is rigged. Donald Trump is also right on this one, but for different reasons than he thinks. Hillary Clinton is the face of the current system. Yes, she has more experience and was better prepared for the job than any other candidate. But as Donald Trump reminded her, she had the “wrong experience” (translation: she embodies the status quo). As many polls over the past year indicated, Bernie Sanders would have won easily against Trump, even though his solutions were a work-in-progress at best. Elizabeth Warren probably would have won by a landslide if the party leadership could have persuaded her to run. But what did the Democratic Party leadership do instead? Manipulate the primary process so that Bernie lost and Hillary won. If the Democratic Party were democratic in its processes, the name of our new president-elect would be Bernie Sanders.

Yet the real political divide of our time is not between Democrats and Republicans. It’s between the insiders of the Washington system that is driven by lobbying and special interest-driven decision-making on the one hand and the forgotten communities without a voice on the other. Elected officials in Washington, regardless of their party affiliation, spend roughly 50% of their time fundraising and have almost no time left to talk to the less powerful real stakeholders that are affected by policymaking. That is the structural problem we face: too many groups are excluded and have no voice in the process of governance and decision-making. So, the second force that put Donald Trump in the White House is the enormous disconnect between voiceless communities and the Washington system of special interest group driven decision-making.

The Spiritual Divide

The biggest divide, however, is neither economic nor political. It’s a cultural-spiritual divide that is ripping our communities, our country, our culture, and our world apart.

The economic and political divides result from massive institutional failures. As the rate of institutional and systemic failure increases, we see citizens and leaders respond in one of the following three ways:

1. Muddling through: same old, same old.

2. Moving back: let’s build a wall between us and them.

3. Moving forward: lean in to what wants to emerge—empathize and build architectures of collaboration rather than architectures of separation.

What was the problem in this election? Hillary was the muddler; Donald was the wall builder. But there was no one in the third category.

It was interesting to watch the entire American media establishment try to take down Donald Trump (after creating him)—only to realize that all their attacks only made him stronger. The only effective voice against him was Michelle Obama’s. She was the one who could take the air out of him. And she did, even to the degree that the Trump camp decided to stop attacking her. What made the First Lady, who has high approval ratings among Democrats as well as Republicans, so much more effective in dealing with the Trump phenomenon?

When you watch her speeches in New Hampshire and Phoenix you see the answer: she responded to him not with hate and fear. Instead, she spoke with empathy, authentic reflection, and compassion. She courageously exposed her own vulnerability showing up as a human being. Michelle Obama also does not primarily focus on the “opponent,” but rather on her own experience, her own opening process, and on the positive future that she feels is wanting to emerge. That’s what it takes to be a warrior of the third category, a warrior of the open heart: as you engage the current moment, your eye is on the future that is seeking to emerge—not on the past that you try to fight against.

Someone who fits that third category would blend the compassion and presence of a Michelle Obama with the systems change focus of an Elizabeth Warren. Such a person (or combined 2020 ticket) would need to connect with a powerful global movement of changemakers who collaborate around new forms of economic, political, and cultural renewal.

Systemic disruption

Figure 1 shows how the three responses to systemic disruption give rise to three conflicting cultures:

1. Downloading: same old, same old.

2. The cycle of absencing: denying, de-sensing, blaming, and destroying (closing the mind, heart, will).

3. The cycle of presencing: seeing, sensing, crystallizing, and co-creating (opening the mind, heart, will).

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Figure 1: The Social Fields of Presencing and Absencing

So what is it that is ripping our communities apart? It’s that the social field of absencing, that is, the closing of the mind, heart, and will, keeps ampliying prejudice, hate, and fear because it’s supercharged by business (its a billion dollar media industry) and technology (with Facebook and Google keeping us well inside our echo chambers or filter bubbles). Moreover, nearly one-fifth of election-related tweets came from bots, from robots, according to a new study by University of Southern California researchers. Our social media is designed to systemically spread and amplify negativity, its not designed around an intention to build community and generative cross-boundary dialogue.

What We Are Called to Do Now

Will President Trump act like candidate Trump? Or will he evolve and grow with the demands of the job (like others did before him)? We don’t know. Most likely his biggest contribution will be that he helps us recognize the other (downside) part of our culture that needs loving attention, compassion and transformation. As the German poet Goethe put it so eloquently when making Mephistopheles – representing the role of the “evil”- say : “I am part of that force which eternally wills evil and eternally works good.”

What is the “good” that President Trump could work for us? Here is a short list:

Letting go of any illusion that the necessary changes of our time will originate from the White House or any other top-down structure. It will come instead from a new global movement of local and multi-local change makers that apply the mindset of Michelle Obama (open mind, heart, will) onto the transformation of the collective.

As we begin responding to the disruption of this week, we have an opportunity to organize in new ways that go beyond the usual responses to disruption:

1. Personal rage : taking it out on something outside ourselves,

2. Personal change : using that energy to transform oneself, or

3. Movements that react against the symptoms of the social and ecological divides.

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Figure 2: Four types of response to disruptive change

What is called for today is a massive response that reaches into the upper right quadrant (figure 2): focusing on evolving and transforming the collective. What’s missing most is an enabling infrastructure that supports initiatives to move into the top right quadrant of co-creating change.

The good news is, that the future is already here – many initiatives already exist in which cross-sector groups work from seeing the whole (eco-system awareness) rather than from a silo-view (ego-system awareness).

Summing up, the blind spot at issue here concerns the dominant paradigms of thought that have legitimized the economic, political, and spiritual divides which—in conjunction with the mindless use of social media and technology—gave rise to the Trump movement and presidency. To overcome or bridge these divides calls for nothing less than regenerating the foundations of our civilization by updating the key operating codes on which our societies operate:

  • Economy 4.0: evolving our economy from ego-system economics to eco-system economics by refocusing the economic activity (and the use intentional use of money) toward generating well-being for all
  • Democracy 4.0: evolving our democracies toward engaging people in ways that are more direct, distributed, democratic, and dialogic and that ban the toxic and corrupting influence through (unrestricted) money
  • Education 4.0: evolving our educational systems toward freely accessible infrastructures that help individuals, communities and multi-stakeholder groups to activate the deep human capacity to co-sense, co-shape and co-create the emerging future in their own context any place and any time.

To advance such an agenda of profound societal renewal will require

· New collaborative platforms, online-to-offline, that allow pioneering change makers from across sectors to directly engage with each other

· A constitution for the global digital space that makes the Facebooks and Googles accountable to citizens, communities and civil rights worldwide.

· Massive free capacity building mechanisms that build the deeper innovation capacities at scale (curiosity, compassion, courage)

· And new concepts like basic income grants for all that would replace our current system of organized irresponsibility through an ecology of entrepreneurship that is driven by passion and purpose rather than profit – in other words, enabling people to activate their greatest gifts, and pursue the work they are truly passionate about.

MITx u.lab is a small prototype and platform that we started last year with the intention to help change makers who want to move their work into the fourth quadrant. What started as a MOOC is now a platform for 75,000 change makers from 180 countries that collaborate across 600 hubs. In 2017 we intend to move this platform to its next stage of catalyzing change at the scale of the whole system.

It’s one of several initiatives that helps us remember what matters most: that as warriors of the third category, we need to fully engage the present moment whilst keeping our eye on the future that is seeking to emerge. Our old civilizational forms are much more fragile than anyone might have thought. But our capacity to regenerate them from the deepest source of our humanity is also more present and available than ever—now.

Thanks to Adam Yukelson for helpful comments and to Kelvy Bird for the figures.

Les pouvoirs ne savent plus gouverner @ Alain de Vulpian

Observateur chevronné des signaux faibles et des tendances en devenir, Alain de Vulpian décrypte, depuis 60 ans, la société en marche et les révolutions discrètes.

Alain de Vulpian, anthropo-sociologue, en entretien. Paris, FRANCE – 20/06/2011./Credit:DURAND FLORENCE/SIPA/1109221841

Etre à l’écoute des gens ordinaires ; telle est, depuis toujours, la méthode d’Alain de Vulpian pour comprendre le monde. Sociologue de vocation et expert dans l’art de l’anticipation, il traque depuis toujours les signaux faibles et tendances lourdes qui – du libéralisme sexuel à l’individualisme, en passant par le communautarisme… – permettent de comprendre cette chose “d’une ampleur considérable” qu’il appelle la modernité et qui, en marche depuis les années 30, révolutionne progressivement comportements et sensibilités jusqu’à aboutir à la société actuelle.

Une société “auto-organisée, autorégulée, où les innovations jaillissent d’en bas au lieu d’être impulsés d’en haut.” Une société qui, à son grand regret, reste largement incomprise des puissants – politiques et grands patrons – obsédés par le court terme au point d’en oublier ce qu’il considère être pourtant l’impératif de l’époque : “voir venir pour ne pas se laisser surprendre.” Une vigilance qui, il en est convaincu, ne passe pas par la création d’un département prospective mais par la capacité de chacun à “accroître sa sensibilité au devenir”.

J’ai toujours été passionné par l’Histoire. L’histoire des mouvements, des cheminements, des courants de pensée… C’est à ce désir de les observer et de les comprendre que je dois ma vocation. Et c’est pour cela que, dès ma sortie de Sciences-Po, en 1950, j’ai créé avec quelques collègues une sorte de bureau d’études visant à étudier ces cheminements de la société dans le but d’aider les hommes politiques et les organisations à mieux les exploiter. Cela me paraissait nécessaire car dès 1950, j’ai eu la conscience aigüe que quelque chose d’une ampleur considérable était en marche. Une chose en passe de transformer le monde dans lequel nous vivions et que l’on pouvait appeler modernité.

C’est cela que je voulais étudier et comprendre. A cette époque, les deux laboratoires de cette modernité étaient les Etats-Unis et la Suède. Nous y avons donc passé du temps afin de mieux comprendre ce qui était en train de se passer chez nous. A cette époque, un phénomène vraiment marquant de la modernité suédoise était la corporalité ou le fait que le corps, après avoir été longtemps caché et contrôlé, prenait de plus en plus d’importance au travers de notions nouvelles de toucher, de sensations, d’émotions aussi. Cet intérêt nouveau se retrouvait dans l’invention d’un certain style de mobilier complètement différent de ce qui existait alors.

Avec des fauteuils, par exemple, qui n’étaient plus des fauteuils à regarder mais à sentir, à occuper. Cela a été notre premier contact direct avec un courant qu’un peu plus tard nous avons appelé le polysensualisme et qui s’est révélé un élément majeur de la modernité occidentale puisque, à travers lui, le corps cessait d’être un objet de contrôle pour devenir un objet d’écoute. Ce qui ouvrait la voie à une autre façon de vivre et marquait un tournant décisif au sein de nos sociétés.

Prospective
En janvier 54, nous avons créé le Bureau de psychologie et de sociologie appliquées – rebaptisé Cofremca cinq ans plus tard – pour étudier les transformations de la société et aider organisations, politiques et entreprises à y trouver leur chemin. A cette époque, il existait une véritable demande. Non pas tant de la part des milieux politiques et administratifs – ils estimaient ne pas avoir besoin de conseils – mais auprès des dirigeants d’entreprise qui, conscients que la société était en pleine mutation, ne savaient plus comment la prendre.
Pour comprendre cette société, il fallait d’abord accepter l’idée que les consommateurs, après avoir vécu dans la pénurie pendant 10 ans, voyaient tout à coup le marché s’ouvrir. Si bien que, la clientèle cessant d’être captive et le rationnement ayant disparu, chaque entreprise devait désormais comprendre le consommateur, ses envies et ses besoins et faire mieux que ses concurrents pour l’attirer.
Les entreprises représentaient alors 70 % de notre clientèle (dont certaines très importantes comme Danone, L’Oréal, Renault) et pour les aider, nous leur proposions un décryptage des modes de fonctionnement de la société, de ses tendances, des enchaînements en court. Selon une forme de sociologie assez particulière qui considère la société comme un organisme vivant, animé par des dynamiques dont on peut jouer, à condition de les comprendre et de les anticiper.

L’interview en profondeur
Pour comprendre ces nouvelles dynamiques, nous avons eu recours à un outil décisif : l’interview en profondeur, celle qui consiste à approcher des gens ordinaires et à parler très longuement avec eux afin de comprendre leurs motivations et, à travers elles, décrypter leur mode de fonctionnement.

L’interview en profondeur est une grande invention de la sociologie américaine qui remonte aux années 40-50 et repose sur le principe de l’empathie, tout l’exercice consistant à se mettre à la place des gens pour parvenir à comprendre l’origine de leurs réactions. Cela requiert un entretien de près de deux heures et repose sur des techniques particulières visant à rendre les gens conscients de leur vie intérieure, ce qu’ils n’étaient généralement pas du tout à l’époque. Si bien que, interrogés sur leurs motivations dans tel ou tel acte de consommation, ils avaient tendance à se retrancher derrière une carapace de rationalité pour expliquer leur choix. C’est ainsi que ce type d’interview mené pour le compte d’Air France a permis de révéler que si les gens ne prenaient pas beaucoup l’avion dans les années 55, ce n’était pas par peur de l’accident aérien – ce qu’ils affirmaient pourtant – mais par peur de ne pas savoir se comporter dans ce moyen de transport alors ultra-moderne et où voyageaient hommes politiques et vedettes du show-biz. La résistance majeure au développement du transport aérien n’était donc pas la peur de l’accident mais la timidité des usagers, ce qui constituait un blocage très différent et qui, pour Air France, était une information capitale.

Courants socioculturels
Nous avons réalisé des centaines et des centaines d’études de motivation à partir de ces interviews en profondeur, lesquelles nous ont révélé à quel point la sensibilité et la façon d’agir des consommateurs avaient changé au cours de dernières décennies. C’est ainsi que nous avons vu apparaître des constantes que nous avons appelées courants socioculturels. En 1970, nous en avions identifié 26. Dans le domaine de la motivation d’achat, par exemple, le changement était partout. On passait de la motivation de se contrôler à la motivation de s’exprimer. De la motivation de devoir à la motivation de plaisir. Des transformations de ce type sont essentielles pour comprendre un consommateur mais aussi une société dans son ensemble. En les identifiant et les décryptant, nous avons pu produire des analyses sociologiques permettant de comprendre la répartition, dans une population donnée – française ou allemande, hommes ou femmes, cadres ou ouvriers, jeunes ou vieux… – de tel ou tel courant. Comme celui du polysensualisme. C’est ainsi que l’on voit, au cours des 70 ou 100 dernières années, des changements d’abord très minimes prendre de l’ampleur, s’affirmer et s’imposer jusqu’à déboucher sur une nouvelle forme de civilisation.

L’empathie
En matière de tendances sociétales il est toujours très difficile de localiser des débuts et des fins. En revanche, on peut sans trop de mal identifier et dater les signes avant-coureurs de certains mouvements comme la mode de la garçonne, ce mouvement de libération du corps de la femme qui, dès les années 20 et 30, annonce l’émergence d’un libéralisme sexuel qui sera l’un des grands courants de la modernité dans les années 60 et 70.

Autre tendance forte de cette modernité : le fait que l’on ait vu des individus qui, jusqu’alors, se voulaient rationnels et accordaient la primauté à leur intellect se transformer en personnes plus complètes, reconnaissant et acceptant leur dimension corporelle et émotionnelle selon un autre courant socioculturel majeur que nous avons appelé, vers les années 65, “intraception”, en référence à cette capacité individuelle de voir à l’intérieur de soi-même, de se comprendre soi-même et, aussi, de ressentir ce que ressentent les autres. Ainsi, on a vu la capacité à l’empathie – aujourd’hui un mot à la mode – émerger dans différents pays dans les années 70. Cela représentait une évolution fondamentale pour les entreprises comme pour les politiques car si j’imagine ce que vous ressentez, alors je suis en mesure de comprendre comment vous fonctionnez et je me fais une idée de la façon dont nous pouvons interagir ensemble si bien qu’au final, je me trouve dans une meilleure position pour anticiper vos réactions et me positionner en conséquence. Je deviens progressivement “socio-perceptif” : habile socialement et de ce fait, plus autonome.

L’individualisme
Cet individu à la fois plus affectif et plus corporel que l’on voit peu à peu s’imposer dans la société moderne devient non seulement plus indépendant mais aussi plus soucieux de son indépendance. Autrement dit : moins facile à manipuler, à conditionner, moins enclin à accepter les règles, les dogmes et les organisations prévues. Il s’échappe pour essayer de vivre à sa façon. Ce que nous essayons tous de faire depuis 70 ans en multipliant les moyens d’y parvenir. Mais dans les années 70, ces évolutions on suscité l’étonnement et l’inquiétude. On s’est dit : les gens partent se retirer en eux-mêmes, la société fout le camp, c’est l’anomie – la disparition des normes. En réalité, ce n’était rien de plus que la montée de l’individualisme faisant que chacun commençait à revendiquer sa propre personnalité. Il est très clair aujourd’hui que ces gens fuient la société et ne partent pas dans la solitude. Ils découvrent que ce dont ils ont le plus besoin, ce qu’ils jugent indispensable à leur qualité de vie, c’est d’avoir des affections, des attachements, des insertions. Afin d’être en mesure de se rapprocher librement de ceux qui leur ressemblent. La logique est devenue : “Vous me plaisez, je me connecte à vous. Et si cela fonctionne, nous nous connecterons à d’autres qui nous ressemblent.” C’est ainsi qu’émerge une première forme de communautarisme que l’on voit aboutir aujourd’hui mais qui se développe depuis 50 ans.

La société communicante
Aujourd’hui on arrive à une société de personnes intensément interreliées, intensément intercommunicantes. Une société composée d’individus en quête d’une communication non pas de masse mais interpersonnelle grâce aux téléphones mobiles et à Internet qui, en envahissant la planète (il y a 5 milliards de téléphones portables dans le monde aujourd’hui), créent une véritable société de réseaux et génèrent des transformations colossales. Mais ce ne sont pas les techniques de l’intercommunication qui nous font évoluer. C’est parce que nous avons évolué que ces nouvelles techniques d’intercommunications – lesquelles accentuent et accélèrent l’évolution selon des logiques dites de “feedback positif” – sont apparues. Si bien qu’au final, nous sommes devenus une société interpersonnelle auto-organisée, autorégulée, où les innovations jaillissent d’en bas au lieu d’être impulsées d’en haut, où sont continuellement inventés de nouveaux usages et où les innovations pullulent.

Le problème ? Parallèlement, persiste une société de citadelles – celle des grandes entreprises et de la démocratie telle qu’on la pratique aujourd’hui – terriblement en retard par rapport à ces évolutions. Si bien que cette cohabitation entre une société faite d’individus extrêmement modernes et qui s’avère être allergique à la société des anciens pouvoirs lesquels, pour certains en tous cas, sont totalement déconnectés de la société, rend la situation actuelle très périlleuse. Résultat : les pouvoirs n’ayant plus de pouvoir, ils ne savent plus gouverner, ce qui crée des insatisfactions et des tensions considérables dans la société. Si l’on ne se dépêche pas de transformer les grandes entreprises – pour l’heure, complètement verticales et rationalisées – et notre façon de pratiquer la démocratie, on va vers des situations extrêmement dangereuses.

“La Société pour l’organisation apprenante”
Lorsque j’ai quitté la Cofremca il y a 10 ans et me suis impliqué dans trois organisations dont Sol (Société pour l’organisation apprenante), un réseau mondial qui, à partir de diverses méthodes d’analyses de la société, produit des scénarios d’avenir tout à fait révolutionnaires dans un but : aider les entreprises à évoluer, à prendre des décisions de façon moderne. L’organisation est active dans une trentaine de pays et regroupe des gens dont le souci principal est de faire changer les entreprises et les politiques en les reconnectant aux réalités et aux évolutions de la société. Il s’agit aussi bien d’acteurs du monde de l’entreprise – qui y agissent comme agents de changement -, de consultants qui aident organisations et entreprises à s’adapter à la société en mouvement, de chercheurs qui travaillent sur ces mutations. Tous, à leurs différents niveaux, cherchent à rendre les organisations plus vivantes, plus souples, et surtout, plus étroitement connectées à leur environnement de façon à favoriser des effets de symbiose. Voilà pourquoi on parle d’organisation apprenante.

“Le Club des vigilants”
Il y a une douzaine d’années, nous avons créé le Club des vigilants à la suite de ce constat : l’establishment français politique et économique est trop centré sur le court terme. Il ne voit pas venir. Or nous sommes à une époque où tout change à toute vitesse et où, par conséquent, il est essentiel de voir venir, les catastrophes comme les opportunités. Donc il faut développer de la vigilance. Et pour cela, l’idée n’est pas de faire de la prospective mais d’accroître la sensibilité au devenir. Pour répondre à ce besoin, nous avons instauré des rencontres au rythme d’un petit déjeuner tous les mois au cours duquel un intervenant vient nous faire part d’une inquiétude ou d’un espoir sur la société, l’économie, la politique ou encore la finance. C’est ainsi que, chaque mois depuis 12 ans, nous réunissons 50 à 100 participants, tous membres du club, qui viennent écouter un biologiste, un politique, un dirigeant d’entreprise… Qu’importe le domaine de compétence, l’idée est toujours de voir le coup d’après. De ne pas se laisser surprendre.

C’est ainsi que, il y a plusieurs années, nous avons pu prendre conscience du décalage croissant entre ce que devenait la société des gens et ce que devenait celle des grandes entreprises tournées sur le court terme financier depuis 20 ans.

“Société rêvée”
Le troisième réseau dans lequel je suis impliqué est Société rêvée, qui est né d’un rapprochement entre Cofremca-Sociovision et Les Ateliers de la citoyenneté, un mouvement lyonnais visant à encourager les gens à se mêler davantage de politique locale. Au démarrage, nous nous sommes réunis pour réaliser une étude approfondie sur les évolutions les plus récentes de la société française ; or les résultats de cette étude ont révélé certaines évolutions sociétales étonnantes et notamment le fait que les Français étaient à la fois excessivement critiques à l’égard des pouvoirs politiques qui, de l’avis de beaucoup, nous mènent à la catastrophe et, à la fois assez satisfaits de leur propre vie qu’ils avaient le sentiment de gérer plutôt bien. Que ces gens soient de droite ou de gauche, tous partageaient l’idée qu’une autre société était possible ; une société que nos politiques étaient incapables de concrétiser. Une sorte de société rêvée. C’est pour travailler sur cette aspiration que nous avons créé l’association du même nom – “Société rêvée” – au sein de laquelle nous cherchons à identifier les signaux faibles et les tendances lourdes afin d’être en mesure d’offrir une compréhension des dynamiques sociétales. Pour cela, nous avons constitué un groupe de socio-perceptifs relativement fins qui se réunit tous les mois et nous livrent leurs idées et leurs analyses.

Le libéralisme
Si la crise a éclaté, c’est qu’en grande partie nous nous sommes laissé complètement aveugler par une espèce de croyance voulant que le libéralisme soit doté d’un caractère quasi miraculeux. En réalité, il n’y a pas de libéralisme efficace sans surveillance. Or il y a trois ans, nous n’étions même plus en mesure de le comprendre. Résultat : nous avons laissé le champ libre à des acteurs de la finance qui ont fabriqué des outils complètement déments, déconnectés des réalités, qui eux-mêmes ont créé un monde financier virtuel qui a eu pour effet de déplacer les richesses d’une façon dramatique, jusqu’à aboutir aux catastrophes que nous connaissons. Celles-ci auraient pu être évitées si on avait maintenu cette vigilance sur le réel. Si l’on était resté connecté aux évolutions en marche. Les entreprises sont fautives dans cette affaire.

Dans les années 70, les plus performantes étaient celles qui anticipaient. Celles dont les dirigeants – comme ceux de Danone, Volvo ou Renault – vivaient dans la tension constante de ne pas louper les opportunités qui leur permettraient de parer les menaces et de construire le futur. Depuis les années 1990-2000, la plupart des grands patrons n’ont plus qu’une préoccupation : dégager un maximum de bénéfices d’ici trois mois pour les actionnaires. Au point qu’ils ne voient plus l’avenir. Ils refont de la bureaucratie à une époque où leurs collaborateurs ont de plus en plus envie de respirer, d’ouvrir des possibilités. Ce qui alimente la crise financière et économique dans laquelle nous sommes, ainsi que la crise de l’entreprise : celle qui va du désenchantement des cadres au suicide de certains collaborateurs.

Les dirigeants
Les dirigeants n’ont plus de repères. Ils fonctionnent aux sondages, au court terme. Dans la sphère privée, ce sont pourtant de fins socio-perceptifs, aptes à s’adapter aux contraintes : ils savent qu’ils n’ont plus le pouvoir absolu depuis que l’autorité s’est répartie entre le père, la mère, les enfants et que l’on est en situation non plus hiérarchique mais interhiérarchique. Ce qui ne les empêche pas de conserver une certaine influence, un certain poids sur le cours des événements parce qu’ils savent manoeuvrer. Qu’ils fassent la même chose au sein de leur entreprise ! Qu’ils s’autorisent à fonctionner davantage à l’instinct, d’une part, mais aussi à laisser les choses venir d’en bas. C’est pourquoi j’aimerais leur dire : “Branchez-vous sur l’intelligence collective de votre entreprise et utilisez-la au lieu de marteler des objectifs chiffrés.” Là, ils seront à même de coller à la réalité. De même que, lorsqu’ils réfléchissent au lancement de nouveaux produits, ils devraient le faire en pensant moins aux produits concurrents qu’aux personnes susceptibles d’utiliser les leurs.

C’est ainsi qu’on pourra espérer fabriquer un avenir sain, conforme aux attentes comme aux évolutions naturelles de notre société. C’est ainsi que l’on pourra entrer dans la logique des vivants au lieu d’être dans la logique des choses.

Par Caroline Castets

Publié le

La métamorphose, à l’écoute de la société des gens @ Irène Dupoux-Couturier

Tribune Libre de l’Opinion # 8 septembre 2016

 

Avant et depuis l’annonce de sa démission, on vit une comedia del arte au cœur de joutes politiques et de défenses d’idéologies dépassées. Dans la Ve République, on n’a jamais vu quelqu’un accéder à la tête de l’Etat sans l’appui d’un parti politique. Comment peut-on se présenter sans avoir été élu ? Les doutes des vieux acteurs de la vie politique sont relayés par les médias de l’establishment. La Constitution de la République parlementaire ne peut permettre de n’être « ni de droite ni de gauche ». On se réfère aux tentatives sans issue de Jean-Jacques Servan-Schreiber en 1970 ou, différemment, à la démocratie participative de Ségolène Royal.
Et pourtant derrière ce scepticisme, les enquêtes sociologiques sont claires (1). De 2014 à 2015, en un an, la perception des différences droite/gauche a perdu 10 points en passant de 54 % à 44 %. Après la démission d’Emmanuel Macron, les sondages récents sont plutôt favorables à cette démarche. Au-delà de la république d’opinions plus ou moins préfabriquées, on peut penser qu’en l’occurrence il s’agit d’un signal faible de la transformation profonde de la société, de sa métamorphose (2), de la désaffection pour les partis politiques, d’une vague d’intelligence collective tournée vers la recherche du « bien commun » et fondée sur la soif de pragmatisme, la créativité, l’avenir.
Conscience citoyenne. Elle s’exprime dans les mouvements, les réseaux sociaux, les collectifs créés sur un projet local. Emmanuel Macron peut être porté par cet immense courant et s’il ne réussit pas, d’autres suivront. Ni à droite, ni à gauche, il observe, laisse émerger, soutient le fantastique élan vital que la société française cache en son sein. Comment associer les Français aux grandes orientations politiques et élargir leur niveau de conscience citoyenne comme désormais c’est le cas des salariés dans les entreprises globales qui fonctionnent bien, ou dans les communautés de partage qui se créent en réel ou sur Internet.
Moins de décisions hiérarchiques, plus de réseaux maillés qui sont reliés et participent à l’écosystème de façon naturelle et vivante. Comment impliquer les Français et les rendre acteurs et co-constructeurs de leur vie citoyenne en créant des « tiers lieux citoyens » (3) permettant de se documenter, de rencontrer des experts du sujet, puis de débattre, de délibérer et enfin de proposer des décisions ou des orientations par sondage interne à cette communauté ?
Mais les forces conservatrices de droite comme de gauche sont là. Elles peuvent dévier la métamorphose en marche. En fin analyste des situations politiques, le pape François souligne les formes d’un nouveau type de gouvernance : « initier des processus plutôt que posséder des espaces » (4). Ceci va à l’encontre des plans, des programmes, ce peut être le « en marche », à l’écoute de la société des gens.
Est-ce du rêve ? Puisse un politique parler de pragmatisme, de projets locaux, d’initiatives du terrain…e t aller au-delà d’une « loi sur le burkini » !
Irène J. Dupoux-Couturier est vice-présidente de SoL France
(1) : Observatoire Sociovision
(2) : Alain de Vulpian « Eloge de la métamorphose »
(3) : Pierre Giorgini « la fulgurante recréation »
(4) : Pape François : « Evangelii gaudium »

Le Brexit, la démocratie, l’Europe et la métamorphose de nos sociétés @ Irène Dupoux-Couturier

Tribune Libre de L’Opinion # 1er août 2016

 

Le vote du Brexit a posé de façon aiguë le problème de la démocratie telle que pratiquée actuellement dans les sociétés occidentales. Au lendemain du vote, les hommes politiques et les médias ont salué et respecté le vote démocratique du peuple anglais. Mais est-ce réellement de la démocratie ? L’appel au peuple à travers la pratique référendaire, restaurée en France après Napoléon III par le Général de Gaulle, prend souvent une connotation plébiscitaire, voire manipulatrice en fonction de la question posée. En Grande-Bretagne, David Cameron avait ainsi essentiellement en tête le leadership du Parti conservateur ! De plus, les médias accentuent l’aspect émotionnel du vote. Ceci a été particulièrement vrai, comme le remarquait Michel Rocard (1), dans la presse britannique… Boris Johnson et les tenants du Brexit n’avaient, semble-t-il, fait aucun scénario sur les effets secondaires du vote et ses aspects systémiques.
Mais on ne peut pas dire non plus que, à l’inverse du référendum, la démocratie représentative corresponde aujourd’hui aux attentes du « peuple souverain ». Alexis de Tocqueville (2) parle du risque de despotisme de la majorité. Il ajoute « la majorité elle-même n’est pas toute puissante. Au-dessus d’elle, dans le monde moral, se trouvent l’humanité, la justice et la raison… La majorité […] a des passions, comme chaque homme et […] peut faire le mal en discernant le bien ». A ce stade de réflexion, nous devons essayer de comprendre en profondeur les changements à l’œuvre dans nos sociétés.
Le sociologue Alain de Vulpian (3) considère que ces mutations profondes sont une vraie « métamorphose » de l’humanité. Depuis les années 1930, les individus qui forment la société sont devenus peu à peu des « personnes » à part entière qui ne veulent plus se laisser imposer ni idéologies, ni règles décrétées d’en haut. Elles se sentent responsables de leur vie, et ont délaissé les partis politiques, les syndicats, les institutions en donnant leurs préférences aux émergences de vie, de solidarité, de coopération, d’innovations nouvelles. C’est la « big society », ce sont des jeunes qui créent des start-up, font partie de réseaux sociaux dynamiques, créent une société complexe et enchevêtrée.

Au Japon, en Chine, l’Europe construite après-guerre sur le multiculturel, le pacifique, le divers, semble être un exemple de cette recherche d’une démocratie du « bien commun », cherchant à pratiquer l’équilibre dans une économie de marché

Et ces personnes ne veulent pas « être représentées », elles cherchent une démocratie d’implication, une démocratie locale qui se construit autour de projets. Des exemples peuvent être cités en France de cette démocratie ouverte décentralisée (4). Le mouvement citoyen Bleu Blanc Zèbre lancé par Alexandre Jardin va dans ce sens. Quant à eux, les jeunes britanniques ont clairement voté pour l’Europe car ils considèrent que là est leur avenir.
La question se pose alors : l’Europe peut-elle construire sur le Brexit ? Tout au long d’une vie internationale riche, je me suis rendue compte à quel point l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui était importante dans l’équilibre du monde. Des amis américains me disent « vous êtes très en avance sur nous sur la voie de la métamorphose vers un monde de coopération ». Au Japon, en Chine, l’Europe construite après-guerre sur le multiculturel, le pacifique, le divers, semble être un exemple de cette recherche d’une démocratie du « bien commun », cherchant à pratiquer l’équilibre dans une économie de marché. Peut-elle être le « poisson pilote de la métamorphose », comme dit Alain de Vulpian ? L’Europe d’Erasmus plus importante que l’Europe des technocrates de Bruxelles ?
Comment faire travailler les peuples européens sur des projets concrets, participatifs où ils se sentent impliqués (par exemple des programmes d’emplois de jeunes en apprentissage à travers toute l’Europe), élever d’un niveau le débat entre référendum populaire, démocratie représentative et démocratie sociétale constructive, comment faire émerger de nouvelles formes de gouvernance et de leadership fondées sur le dialogue et l’empathie et où l’on apprend tous ensemble en partant des réalités ?
Irène Dupoux-Couturier, ancienne directrice du Centre de formation aux réalités internationales (CEFRI), est vice-présidente de SoL France (Society for Organizational Learning, issue du MIT).
(1) Interview de Michel Rocard, le Point N°2285 du 23 juin 2016
(2) Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique
(3) Alain de Vulpian, Eloge de la métamorphose, en marche vers une nouvelle humanité (Ed. St Simon, 2016.)
(4) Joseph Spiegel, Faire renaître la démocratie (Passions-bouquins)

FAIRE SOCIÉTÉ EN VILLE @ Tristan Benhaïm & Alain Maugard

On voit poindre, dans les propos de Tristan Benhaïm et d’Alain Maugard, une nouvelle étape de la démocratie, faite de plus d’implication personnelle, de maîtrise d’une économie redevenue plus proche et de projet partagé pour un avenir commun.
Leur approche se veut résolument optimiste, après un diagnostic sans concession sur la situation actuelle.
C’est de l’urbanité qu’ils nous parlent, donnant une nouvelle jeunesse aux propos d’Henri Lefebvre sur ses composantes : centralité, diversité, connectivité.
Ces trois paramètres sont plus que jamais au rendez-vous pour faire de la ville, avec d’autres valeurs nées des révolutions en cours comme le dialogue avec la nature, la fertilité de l’altérité, la vertu de l’économie d’usage un lieu créateur de civilisation, de progrès par l’innovation et d’invention de nouvelles formes de bien-vivre.

Gilbert Emont, directeur de l'Institut Palladio

DEVENIR ACTEUR DE CHANGEMENT @ Béatrice Quasnik

Clés pour une grammaire relationnelle

J’ai lu votre texte et j’adhère à tous vos propos et à votre conception. Vous introduisez avec persévérance et stratégie les idées et sentiments humanistes dans l’entreprise qui en a bien besoin, car les processus de déshumanisation y progressent plus vite que ceux d’humanisation. Edgar Morin

Ce livre montre l’importance du rôle des managers qui, par leur engagement personnel, impulsent dans leurs équipes un élan de vitalité en donnant du sens aux projets tout en atteignant l’indispensable performance économique. Ce livre sera utile pour les managers s’il provoque une prise de conscience de leur rôle et de l’influence personnelle qu’ils peuvent avoir bien au-delà de ce qu’ils imaginent. Au niveau des équipes, il peut inspirer, déclencher des initiatives, susciter de nouvelles postures d’ouverture et d’engagement. Cette contamination positive peut faire tâche d’huile et gagner de proche en proche les autres équipes et, pourquoi pas, l’ensemble de l’organisation. Extrait de la préface de Sylvie Dangelser, L’Oréal Corporate Director – Learning for development

SOLIDARITÉS ÉMERGENTES – INSTITUTIONS EN GERME @ Olivier Frérot

Nos institutions publiques, issues de la Modernité, sont essentiellement fondées sur la foi en la science et la raison, qui irriguent nos philosophies depuis quatre siècles et dont la base est le principe de non-contradiction qui nous vient des Grecs.
Cette croyance est fortement affaiblie en ce début de 21e siècle, du fait de la faillite des idéaux liés au Progrès, des catastrophes environnementales, ainsi que, plus profondément mais, ce qui est moins connu, de la découverte progressive de l’incomplétude radicale des mathématiques, donc de toute science et par conséquent de toute modélisation.
Cependant nos institutions publiques actuelles sont devenues inefficientes et irréformables.
La vie invente chaque jour du nouveau au sein de notre société et de nouvelles solidarités s’y tissent.
Cet ouvrage montre ce qui est en train de naître au cœur de la société, en dehors des institutions, émergences basées sur la discrétion, la fragilité, la simplicité, l’ouverture, la solidarité, mais aussi accueillant l’incertitude structurelle et structurante de notre quotidien.
Affirmant la fin de la période dite Moderne et son basculement vers un monde plus ouvert, ce texte plaide pour une philosophie qui détache la science de la technoscience et met la science et la raison à une place seconde par rapport à la vie et à l’existence, là où les paradoxes règnent et où le discours rationnel cède la place à la sensibilité, à l’art et à la poésie.